• La pastorale des personnes divorcées remariés civillement

Depuis le concile Vatican II, de nombreux synodes diocésains tenus en France demandent avec insistance une révision de la pastorale catholique qui prive des sacrements les personnes remariées. Les Pères du synode sur la famille (1980) manifestent leur volonté de regarder attentivement « les fondements de la pastorale des Églises d’Orient qui se montrent plus accueillantes que nous alors que l’on partage ensemble la même Écriture et de longs siècles de traditions et de pratiques voisines ».

« Poussé par le souci pastoral de ses croyants, le Synode désire qu’une nouvelle recherche plus approfondie – tenant compte également de la pratique des Églises orientales – soit instituée de manière que la miséricorde pastorale soit encore plus large. »

Monseigneur A. le Bourgeois remarque que même si ce vœu a été bien accueilli par la majorité des Pères participants au synode, il n’a pas été suivi d’une décision. Par le divorce, le lien sacré du mariage n'est pas rompu. En conséquence, on ne peut pas célébrer un second mariage. Par contre, ceux qui restent divorcés sans conclure un deuxième mariage civil peuvent communier. Les personnes qui se remarient civilement restent membres de l'Église, mais ne peuvent recevoir la communion eucharistique. Le synode sur la famille exhorte le prêtre à faire en sorte que les divorcés remariés comprennent bien qu’ils ne sont pas éliminés de l’Église, « mais participent de multiples manières à sa vie».

Aujourd'hui, l'Église Catholique, officiellement du moins, n’autorise pas l'accès à l’eucharistie aux divorcés remariés civillement. Le 5e alinéa de Familiaris consortio n° 84 affirme : « La réconciliation par le sacrement de pénitence - qui ouvrirait la voie au sacrement de l'eucharistie - ne peut être accordée qu’à ceux qui se sont repentis d’avoir violé le signe de l’Alliance et la fidélité au Christ, et sont sincèrement disposés à une forme de vie qui ne soit plus en contradiction avec l’indissolubilité du mariage. Cela implique concrètement que, lorsque l’homme et la femme ne peuvent pas, pour de graves motifs - par exemple l’éducation des enfants -, remplir l’obligation de la séparation, ils prennent l’engagement de vivre en complète continence, c’est-à-dire en s’abstenant des actes réservés aux époux. »


Extrait du livre:

LA RUPTURE DU LIEN CONJUGAL ET LA QUESTION DU REMARIAGE
Perspectives orthodoxes, catholiques et protestantes.

Auteur I. ANA. Bruxelles 2016. Copyright

I. Perspective orthodoxe

  • Mariage Divorce Remariage. Introduction
    1. L'evolution du mariage. Le divorce
    2. L'indissolubilité en orthodoxie. Le divorce religieux
    3. Références canoniques orthodoxes sur le remariage
    4. La celebration du remariage orthodox. Conditions
    5. Église orthodoxe : échec du mariage et remariage
    6. L'indissolubilité en orthodoxie. Le divorce religieux

    II. Perspective catholique

    1. L'Eglise Catholique face a l'echec du mariage
    2. Le mariage catholique est-il vraiment indissoluble?
    3. La dissolution des unions matrimoniales catholiques
    4. Causes et motifs pour demander la nullite du mariage
    5. Comment demander la nullite du mariage catholique
    6. Pastorale personnes divorcées, remariées civillement


    III. Perspective protestante

    1. La simplicité de la cérémonie du mariage protestant
    2. Le divorce et le remariage dans les Églises protestantes
    3. Ceremonie de mariage pour aux couples homosexuels



    L’Église les admet au sacrement de la réconciliation et de l’Eucharistie à condition qu’ils acceptent de vivre comme frère et sœur. Autrement dit, les divorcés remariés peuvent avoir accès à la réconciliation, et implicitement à l’eucharistie, pourvu qu’ils cohabitent dans la continence. Pour Michel Laroche, la perspective de la continence, comme seule preuve qu’il n’y a pas d’union, ne paraît pas crédible. Il critique ouvertement la vision catholique du couple, celle dont le second mariage ne peut être reconnu que par l’existence des unions sexuelles. Une telle vision lui semble être « la pensée des hommes qui ne connaissent l’union de l’homme et de la femme que de l’extérieur », une « situation envisagée par des prélats qui n’ont aucune pratique du mariage».

    Qu’en est-t-il des prêtres qui transgressent cette interdiction en acceptant d’administrer les sacrements aux divorcés remariés ? Michel Laroche s’interroge : pourquoi le pape, qui doit vraisemblablement être au courant de cette pratique, « ferme-t-il volontairement les yeux ».

    Le Synode des évêques de 1980 articule que la qualité morale des cas où un conjoint s’est efforcé de conserver la fidélité, mais a été abandonné, est à distinguer de la situation de celui qui détruit par sa faute un mariage. « Pourvu que le scandale soit évité, l’admission à la communion peut être autorisée » à ceux qui sont convaincus que leur premier mariage est nul.
    Jean Paul II, dans son exhortation apostolique Familiaris consortio demande aussi aux prêtres de discerner et traiter différemment les époux abandonnés sans raison valable, les remariés coupables d'avoir cassé leur premier mariage sacramentellement valide et « ceux qui ont contracté une seconde union en vue de l'éducation de leurs enfants, et qui ont en conscience, la certitude subjective que leur mariage précédent, irrémédiablement détruit, n'avait jamais été valide. » (nº 84)

    Cette attitude d'ouverture et de compassion envers les personnes qui sont dans un état de détresse suite à l'échec de leur premier mariage est sans précédent dans la pastorale de l’Église catholique.
    Néanmoins, comme je l’ai déjà mentionné, l'accueil des divorcés remariés à la communion eucharistique n’est pas permis dans l’Église catholique romaine car « celui qui veut recevoir le Christ dans la communion eucharistique doit se trouver en état de grâce ».

    Dans l’Église Orthodoxe, les divorcés remariés, après une période de pénitence, peuvent communier, car la réconciliation, par définition, restaure l'homme dans son état initial et le fait accéder aux saints sacrements de l'Église. Depuis les quarante dernières années, l'Église a demandé qu'un accueil des divorcés remariés soit fait dans la communion de l’Église. Il est pourtant très difficile de trouver des solutions « responsables » qui tiennent compte de l’enseignement de Jésus sur l’indissolubilité du mariage et en même temps d’aider les divorcés remariés dans leur « pénible situation »

    Pour ce faire, il convient de rappeler aux communautés chrétiennes le message de l’Église à ce sujet, en faisant référence notamment aux derniers discours du pape Jean Paul II en septembre 1996 à Sainte Anne d’Auray : « L’Église a aussi le souci de ceux qui sont séparés, divorcés et divorcés remariés, ils restent membres de la communauté chrétienne. En effet, ils peuvent et même ils doivent, comme baptisés, participer à sa vie (« Familiaris consortio » nº 84), tout en accueillant dans la foi la vérité dont l’Église est porteuse dans sa discipline du mariage ». Et à Tours : « Tout être meurtri dans son corps ou dans son esprit, toute personne privée de ses droits les plus élémentaires, est une vivante image du Christ».

    Chaque assemblée dominicale aura donc à cœur d’accueillir pleinement ces personnes en les invitant à participer à sa vie (catéchisme, équipe liturgique, aide social et pastoral, etc.).
    Le service de pastorale familiale de chaque évêché traite cette question plus profondément dans le cadre des dialogues avec l’évêque. Je note au passage que différents groupes théologiques et laïques ont écrit des documents révélateurs, par exemple, le groupe de Joigny en 1994 : « Divorcés - divorcés remariés».
    Par ailleurs, certains théologiens reprochent, en quelque sorte, la facilité avec laquelle l'Église accueille les fidèles au mariage sacramentel et la sévérité dont elle fait preuve en cas d'échec.

    Dans le livre « Lettre aux divorcés », Michel Martin Prével, accompagnateur auprès de couples en difficulté et de divorcés, aborde à partir de nombreux témoignages le sujet si délicat du divorce. Il rappelle le message d'amour et de vérité de l'Église face à une situation toujours douloureuse. Ce rappel rassure les âmes troublées par une condition difficile.
    Cette « lettre aux divorcés » évoque les questions du pardon, de la fidélité, des enfants et des souffrances spécifiques à une telle séparation à la lumière des enseignements de l'Église. Elle évoque aussi la participation à la table eucharistique, et ce à quoi la sagesse divine invite alors. Ces pages sont une véritable ouverture à la miséricorde, et ne peuvent que manifester la tendresse divine pour ceux et celles qui souffrent d'une séparation qui touche le cœur de Dieu avant même de blesser celui du couple.

    Dans la Bible, à maintes reprises, Dieu accorde sa miséricorde. Le pardon est un sacrement de l'Église. Alors que Pierre, la femme adultère, le bon larron, le fils prodigue, les bourreaux de Jésus ont été pardonnés, les séparations des conjoints devraient recevoir la miséricorde par un accompagnement fraternel en vue d'une réconciliation sacramentelle avec l'Église et aussi avec Dieu.
    Un deuxième mariage devrait être possible ainsi que la participation à la communion eucharistique, estime Paul de Clerck.

    Les divorcés remariés sont appelés : « pécheurs publics ». D'après les canonistes, « cette expression est à prendre avant tout d'après l'usage et la doctrine ». Ce syntagme est maintenant une notion relative, car « il nous paraît illogique de vouloir accueillir des divorcés -remariés bien décidés à vivre chrétiennement selon leur état, tout en les déclarant ‘‘pécheurs publics’’ ». Dans le passé, la question des divorcés remariés provoquait un scandale, alors que ce n'est plus le cas aujourd'hui.
    Les divorcés remariés souffrent d’un grand isolement dans la communauté chrétienne. Là où ils sont tolérés, ils se sentent jugés. Même là où ils sont accueillis avec amour, tels qu’ils sont, ils se sentent mal à l’aise, craignant de compromettre la réputation de leurs hôtes auprès de la communauté ». Lors du colloque de Louvain, Paul de Clerck a approfondi la réflexion qu'il avait commencée quatre ans auparavant, dans un article de la « Revue théologique de Louvain », intitulé « La réconciliation pour les fidèles divorcés remariés ».

    Paul de Clerck dit : « Je ne cache pas le malaise que je ressens comme théologien, c’est-à-dire comme une personne particulièrement chargée de la réflexion sur la vie de l’Église, devant la manière dont l’Église catholique se situe face au divorce. Suivi d’un remariage, en effet, il est actuellement le seul cas de sanction publique où la réconciliation avec l’Église, sacrement de salut, est dite impossible.

    Si un(e) catholique prend une décision de nature économique ou financière qui asphyxie un pays ou un continent entier, il ne sera l’objet d’aucune sanction ; et s’il se convertit et demande la réconciliation ecclésiale, elle lui sera accordée - très heureusement ! Car, comme le dit le proverbe : « À tout péché miséricorde ».
    Ce n’est pas le cas d’une personne catholique qui divorce et se remarie. N’y a-t-il pas là une forme d’injustice ? Cette discipline pouvait être reçue lorsque le nombre de divorces était faible. Aujourd’hui qu’il atteint - malheureusement - de nombreux couples, même chrétiens et catholiques, ne convient-il pas de s’interroger ? C’est la question qui est à la racine de cette recherche ».
    L'échec d'une grande partie des mariages est dû principalement à l'immaturité de l'engagement. Heureusement, après le divorce, la plus grande partie des personnes concernées progresse vers une maturité humaine et chrétienne. Il faut que nous soyons objectifs et comprendre l'état de leur situation.

    De par les droits que la société civile offre aujourd'hui aux personnes mariées, de par la tradition familiale, de par le manque d'intérêt des jeunes pour la vie chrétienne authentique, ce n'est un secret pour personne que ceux qui veulent se remarier civilement le font malgré la position de l'Église qui n'accepte pas le remariage. L'attitude actuelle de l'Église, aussi louable soit-elle d'un point de vue théologique, risque d'enfermer les divorcés dans leur échec au lieu de les aider à le dépasser.

    Parler de la « théologie de la Croix » , par exemple, à un divorcé innocent non pratiquant qui vient demander le remariage religieux est synonyme pour lui, nous dirions, à : « même étant innocent, tu dois porter ta Croix, ton premier mariage est indissoluble donc l'Église n'accepte pas le remariage, parce que.... ». Si par amour pour le monde, notre Seigneur Jésus l'a fait, je pense qu'il y a des risques que le divorcé innocent cherche un meilleur accueil ailleurs, dans une autre confession ou même une autre religion.

    Les occupations propres à chacun, une société laïque, plurielle et plein d'autres facteurs révoltent intérieurement les baptisés ou les rendent de moins en moins sensibles à la pastorale de l'Église sur le remariage. Quoi qu’il en soit à l’avenir, le remariage est un fait qui place la communauté chrétienne devant la nécessité de prendre judicieusement ses responsabilités.
    Tout comme pour le divorce sans remariage, il s’agit de croyants comme nous, amenés par mille circonstances de la vie à une décision qui s’écarte, du moins apparemment, de l’idéal enseigné.

    En reconnaissant à ces chrétiens leur place dans la communauté, l’Église ferait-elle pour autant preuve de mépris à l’égard des enseignements du Seigneur ? Nous ne le pensons pas. Elle manifesterait seulement de la sollicitude envers des fils particulièrement éprouvés. Nous pouvons comprendre que l’Église ne veuille pas faire de ce lien nouveau un sacrement, ce qui contredirait les exigences inhérentes au sacrement du mariage. Il est difficile à comprendre son refus de reconnaître ce mariage dans sa réalité humaine ou qu’elle continue, de ce fait, à mettre les époux au ban de la communauté. Il revient aux responsables de résoudre ce dilemme.

    • Un temps de prière

    Il est possible de se marier une deuxième fois sacramentellement, pour autant que le premier mariage soit déclaré nul par l'Église, suite à son invalidité, ou dissolu pour cause de non-consommation.
    L’Église catholique accepte par ailleurs de célébrer un mariage religieux pour des personnes divorcées si leur premier mariage a été contracté seulement au civil. Le mariage civil contracté entre deux baptisés n’est pas reconnu comme valide pour le droit canonique, mais il est classé comme un concubinage.

    D'une manière générale, l’Église catholique n'accepte pas de célébrer le sacrement du mariage si les conditions suivantes ne sont pas remplies :
    - au moins, l’un des deux conjoints doit être catholique
    - aucun des conjoints ne doit être lié par un mariage antérieur valide
    - ils doivent être vraiment libres dans leur consentement (liberté)
    - les conjoints s’engagent définitivement l’un envers l’autre (indissolubilité)
    - ils veulent garder la fidélité de leur amour pour toute la vie (fidélité)
    - ils acceptent la responsabilité d’être parents (fécondité).

    Si ces conditions sont remplies et qu'il n’y a pas d’empêchements canoniques, à savoir l'âge, l'impuissance, le lien, la disparité de culte, l'Ordre sacré, les vœux religieux, le rapt, le conjugicide, la consanguinité, l'affinité, l'honnêteté publique ou la parenté légale, il suffit de demander au curé de la paroisse de célébrer le mariage.
    L’évêché catholique de Sens-Auxerre, dans ses Orientations diocésaines pour la pastorale du mariage, parle de la possibilité d'un « temps de prière » dans le cas des unions matrimoniales où un des conjoints est divorcé.

    Par fidélité au caractère unique et définitif de leur mariage, certaines personnes divorcées choisissent de ne pas se remarier. D’autres décident de contracter une nouvelle union civile, selon les coutumes. Si une nouvelle union religieuse ne peut être célébrée par l'Église il est néanmoins possible de prier avec le couple. Pour éviter toute confusion entre cette prière et une célébration de mariage, on devra respecter les points suivants :

    - ne pas faire cette célébration à la suite du mariage civil.
    - dans la célébration : ni remise et bénédiction des alliances, ni échange de consentement ou dialogue similaire.

    Ce temps de prière peut être animé par un laïc baptisé. Une telle prière ne peut pas prendre la forme d’une célébration qui présenterait les signes extérieurs d’un mariage sacramentel.
    Par respect pour la cohérence entre les deux sacrements de l’Alliance, l’eucharistie et le mariage, l’Église catholique leur propose donc différents modes de participation à sa vie ainsi que des moyens d’accompagnement pour un cheminement spirituel.

    Guy de Lachaux a écrit un livre à ce sujet, nommé Se remarier après un divorce. En pratique, de plus en plus de prêtres, en réponse aux demandes des fidèles préparent « un temps de prière » lors du remariage civil des couples. Ce temps de prière n'est pas une cérémonie officielle de l'Église. Vous ne pouvez pas échanger vos consentements ou vos alliances. Le temps de prière offre aux couples la possibilité de se recueillir avec les invités.

    Ce moment de prière peut être divisé en 5 temps :
    1. un premier temps d’écoute et de dialogue, pour se comprendre ;
    2. un deuxième temps d’expression de votre projet ;
    3. un troisième temps d’élaboration du temps de la prière ;
    4. un quatrième temps pour le bâtir (son contenu) ;
    5. un cinquième temps pour le vivre.

    Cependant, Jean Paul II a formulé, dans Familiaris consortio nº 84, une interdiction totale aux ministres d'officier des cérémonies en faveur de ceux qui se remarient. Le cardinal Ratzinger, n'est pas d'accord avec ces pratiques de prière, car il dit : « ces cérémonies donneraient en effet l'impression qu'il s'agit de la célébration d'un nouveau mariage sacramentel et videraient de sa force la doctrine sur l'indissolubilité du mariage ».

    Si un prêtre catholique accepte de remarier à l’Église deux personnes divorcées, le mariage sera illicite. Du point de vue de la terminologie catholique il est impropre de nommer « remariage » un second mariage. Pas question pour un canoniste catholique de parler de remariage, dans le sens sacramentel du mot. Le premier mariage n'ayant jamais existé juridiquement, il faut plutôt employer le mot « mariage ».