- Références canoniques orthodoxes sur le remariage
Extrait du livre:
LA RUPTURE DU LIEN CONJUGAL ET LA QUESTION DU REMARIAGE
Perspectives orthodoxes, catholiques et protestantes.
Auteur I. ANA. Bruxelles 2016. Copyright.
I. Introduction
II. Perspective orthodoxe
- L'Eglise Catholique face a l’échec du mariage
- Le mariage catholique est-il vraiment indissoluble?
- La dissolution des unions matrimoniales catholiques
- Causes et motifs pour demander la nullité du mariage
- Comment demander la nullité du mariage catholique
- Pastorale personnes divorcées, remariées civilement
- La simplicité de la cérémonie du mariage protestant
- Le divorce et le remariage dans les Églises protestantes
- Ceremonie de mariage pour aux couples homosexuels
V. Conclusions
À plusieurs reprises, le droit canon de l'Église orthodoxe aborde la question du remariage, que ce soit le remariage du clergé ou le remariage des laïcs. Les canons qui confirment la possibilité de se marier religieusement pour la deuxième fois, voire pour la troisième fois, sont les suivants :
Le premier canon du cinquième synode local de Laodicée, tenu en 343. Par ce canon, les Pères conciliaires, à la lumière des conseils de l'apôtre Paul, permettent le remariage, à condition que ce deuxième mariage soit conclu librement et légalement. Ils conseillent aux nouveaux remariés un certain temps de pénitence, par la prière et le carême, avant qu'ils ne puissent recevoir la communion eucharistique.
Les canons 4, 50, 80 de saint Basile le Grand. Saint Basile le Grand expose dans son quatrième canon les règles applicables à ceux qui se marient religieusement pour une troisième fois. Il recommande une période de deux, trois, voire quatre ans de pénitence. Il appelle le troisième mariage « polygamie », ou « dépravation ». Selon lui, ceux qui ont conclu plus de deux mariages devant l'autel ne sont plus dignes de s'appeler mari et femme. Ils doivent se repentir pendant deux, trois ans et seulement ensuite ils pourront habiter ensemble. Ils pourront aussi communier, mais seulement après une véritable reconversion.
Le canon 50 , qui aborde la question du troisième mariage, affirme que celui-ci n'est pas légal et ne doit pas être permis. Saint Basile le considère comme une souillure de l'Église. Ceux qui se marient pour une troisième fois ne doivent pas être soumis aux punitions ecclésiastiques publiques, mais à une période de pénitence de cinq ans. Ils sont cependant admis aux moments de prières. Cette disposition est donnée en considérant que le troisième mariage est quand même préféré à la dépravation. Le troisième mariage, déconseillé par les coutumes, reste un geste de tolérance et de miséricorde de la part de l'Église.
Pour ceux qui se marient une troisième fois à l'heure actuelle, dans certains lieux, il faut l'accord de l'évêque. A noter une attitude plus permissive dans le canon 50 par rapport au canon 4 : il passe d'un état de polygamie à un état de tolérance.
Saint Basile entend par « fornication » et « trigamie » les unions matrimoniales qui ne constituent pas des mariages aux yeux de l’Église. Ces mariages sont invalides. Les personnes concernées étaient soumises à une pénitence temporaire, ce qui signifie qu’elles recevaient, après une période déterminée, l’absolution et étaient admises aux sacrements. Implicitement, ces unions étaient validées et devenaient de vrais mariages. Le quatrième mariage est un péché très grave et il ne doit être accepté par l'Église sous aucune forme. (Canon 80).
Au long de l'histoire il y a eu des personnalités importantes qui ont conclu un quatrième mariage. Au début de l’année 906 éclate l'affaire dite de la « tétragamie », c'est-à-dire des quatrièmes noces, regardée à Byzance comme une ignominie. L’empereur Léon VI, auquel trois mariages précédents n'ont pas procuré d'enfant mâle, vient d'avoir un garçon de sa maîtresse Zoé Karbonopsina. Le patriarche Nicolas le Mystique baptise l'enfant, le futur Constantin VII, à condition que le basileus renvoie la mère. Malgré cette condition, trois jours plus tard, l’empereur ordonne à un prêtre de célébrer son mariage avec Zoé.
Nicolas est en quête d'un arrangement canonique lorsque l'empereur sollicite une dispense du pape Sergius III. Ulcéré, le prélat durcit son attitude et, à deux reprises, interdit au basileus l'accès de Sainte-Sophie (Noël 906, Épiphanie 907). L’empereur Léon l'expédie dans un monastère de la rive asiatique, extorque sa démission et le remplace par le moine Euthyme.
Lors d’un synode en 908, composé par des partisans de l’empereur, Euthyme reconnaît le quatrième mariage de l'empereur comme étant valide. A la mort de l'empereur Léon, son successeur l'empereur Alexandre convoque un autre synode et réintègre le patriarche Nicolas le Mystique. Ce dernier a convoqué un synode en 920, qui a condamné les décisions du synode de 908 et a composé un « Tomos Unionis ». Ce document représentait, à l'époque, l’acte d'union et de reconnaissance réciproque entre l'Église et l'État. En ce qui concerne le contenu de ce Tomos, il est structuré en sept canons. Les trois premiers canons font référence à la question du remariage. Selon le premier canon, personne ne peut se marier quatre fois. Cependant, si cela arrive, la personne concernée n'est plus en communion avec l'Église. De plus, il lui est interdit d'entrer dans l'Église tant qu'il reste dans une telle liaison illégale.
Le canon 2 accepte un troisième mariage seulement dans des cas bien déterminés :
a) dans le cas d'une personne de 40 ans, sans enfant, le mariage est permis moyennant cinq ans de pénitence sans communier;
b) dans le cas d'une personne de 40 ans, avec des enfants, le remariage lui est interdit ;
c) dans le cas d'une personne de 30 ans, avec des enfants, le remariage est permis moyennant quatre ans de pénitence sans communier;
d) pour une personne de 30 ans, sans enfant, le remariage lui est permis moyennant une pénitence.
En conformité avec les canons de ce Tomos Unionis et selon les normes du droit canonique en vigueur, l'Église orthodoxe affirme que le troisième mariage est permis dans des cas exceptionnels et seulement avec une dispense de la part de l'évêque, alors que « le quatrième mariage est absolument interdit ».
Le canon 53 expose le cas des femmes esclaves veuves qui mettent en scène un kidnapping en vue du remariage. Saint Basile le Grand reconnaît la validité d'un tel mariage et insiste sur l’idée de la nécessité de faire pénitence, de la même manière que dans les cas d'un deuxième mariage.
Le canon 2 de Nichifor. Du texte de ce canon, il ressort que seul le premier mariage est permis. Ceux qui se marient une deuxième fois, voire une troisième fois, ne peuvent pas communier pendant deux et respectivement cinq ans.
Afin de comprendre les dispositions de ce canon, il faut prendre en compte le rigorisme de l'Église concernant la possibilité d'un deuxième mariage. Ce même rigorisme est maintenu jusqu’au IXème siècle, du temps de Nichifor. Au XIIème siècle, cette appréciation de l'Église a changé définitivement en faveur du remariage. Dans une lettre envoyée par Nichita, métropolite de Eracle, à un évêque nommé Constantin, il est écrit :
«D'après l'enseignement juste de l'Église, ceux qui se marient une deuxième fois ne sont pas dignes du sacrement du mariage, mais dans l'Église byzantine cela n'est plus observé avec autant de rigueur et, même à ceux qui se marient pour une deuxième fois, on leur pose sur la tête les couronnes pour les époux, seulement ils ne doivent pas communier pendant un, voire deux ans et le prêtre ne doit pas participer à la fête de leur mariage ».
Le canon 19 de Jean. Ce canon impose, lui aussi, une période préalable de pénitence à l'occasion du deuxième et du troisième mariage, sur la base du canon 4 de Basile le Grand et change la durée de la pénitence de quatre à cinq ans pour ceux qui se marient pour une troisième fois.
Le canon 7 de Césarée. Le prêtre ne doit pas participer au festin de mariage d’un couple qui se marie pour la seconde fois, parce que la deuxième noce demande pénitence.
Le canon 12 de Basile le Grand dit que le clergé peut se marier une seule fois. Par ailleurs, dans le canon 17, il reprend ce canon et ajoute que seulement celui qui a été marié une seule fois peut devenir prêtre. Selon la tradition canonique en rapport avec le mariage du clergé, les prêtres doivent se marier avant leur ordination. Il existe aussi des prêtres célibataires ; cependant, un tel prêtre ne pourra pas se marier ultérieurement.
En pratique, lorsque l’épouse d’un prêtre décède et que le prêtre est jeune, le remariage lui est permis. Les évêques, qui sont choisis exclusivement parmi les moines, ne peuvent jamais se marier.
S’il faut synthétiser la situation d’un point vue juridique entre les années 400 et 900, nous pouvons affirmer que le lien du mariage pouvait être dissout presque dans tout le monde chrétien pour raison d’adultère commis par la femme ou bien lorsque l’un des époux préférait entrer dans la vie religieuse.