• La procédure pour demander la nullité d'un mariage

Le 25 janvier 2005, le Vatican publie l’instruction Dignitatis Connubii sur ce que les tribunaux diocésains et interdiocésains doivent observer pour traiter les causes de nullité de mariage. Selon le cardinal Julián Herranz, cette instruction entend offrir aux juges des tribunaux ecclésiastiques « un document pratique, un vademecum destiné à une meilleure approche des procès canoniques en matière de déclaration de nullité matrimoniale ».

Le mari ou l'épouse qui désire un jugement de l’Église au sujet de la validité de son mariage s’adresse à un avocat ecclésiastique, qui peut être choisi à partir d'une liste disponible au siège de son évêché ou dans les annuaires diocésains. Les avocats ecclésiastiques sont spécialement formés à ce type de procédure et ont reçu un agrément de la part de leurs évêques. La partie demanderesse expose sa situation à l’avocat qu’elle a choisi.


Extrait du livre:

LA RUPTURE DU LIEN CONJUGAL ET LA QUESTION DU REMARIAGE
Perspectives orthodoxes, catholiques et protestantes.

Auteur I. ANA. Bruxelles 2016. Copyright

I. Perspective orthodoxe

  • Mariage Divorce Remariage. Introduction
    1. L'evolution du mariage. Le divorce
    2. L'indissolubilité en orthodoxie. Le divorce religieux
    3. Références canoniques orthodoxes sur le remariage
    4. La celebration du remariage orthodox. Conditions
    5. Église orthodoxe : échec du mariage et remariage
    6. L'indissolubilité en orthodoxie. Le divorce religieux

    II. Perspective catholique

    1. L'Eglise Catholique face a l'echec du mariage
    2. Le mariage catholique est-il vraiment indissoluble?
    3. La dissolution des unions matrimoniales catholiques
    4. Causes et motifs pour demander la nullite du mariage
    5. Comment demander la nullite du mariage catholique
    6. Pastorale personnes divorcées, remariées civillement


    III. Perspective protestante

    1. La simplicité de la cérémonie du mariage protestant
    2. Le divorce et le remariage dans les Églises protestantes
    3. Ceremonie de mariage pour aux couples homosexuels



    Parmi les rôles de ce dernier, il faut rappeler qu’il doit :
    1. discerner l’opportunité d’une telle démarche ainsi que son fondement canonique ;
    2. aider la personne à constituer son dossier (une requête officielle, un résumé des faits, une liste de témoins et autres preuves) ; ce dossier peut alors être envoyé à l'Officialité ;
    3. assister et représenter le demandeur tout au long de la procédure de nullité.

    Les principaux documents qu'il faut donner à l’avocat ecclésiastique pour qu’il entame la procédure de demande en nullité d'un mariage sont :
    1. le livret de famille catholique. Il contient la date et la paroisse dans laquelle a eu lieu le mariage religieux ;
    2. le jugement de divorce délivré par le tribunal civil. C'est un document important qui prouve que le divorce est terminé, et donc que la procédure de demande en nullité peut commencer ;
    3. les preuves qui motivent la démarche . Par exemple, des correspondances qui ont été écrites avant ou après le mariage, des agendas, des journaux intimes, des notes de payement, des constats d’huissier, des attestations médicales, des enregistrements audio ou vidéo, des photos, des témoignages, etc. ;
    4. un mémoire rédigé pour soutenir la demande. Il faut faire un rapport écrit dans lequel le demandeur raconte son passé depuis l'enfance et ce jusqu’après le mariage, le déroulement de la relation avec l’ex-conjoint pendant le mariage, en insistant sur les points qui l’ont déterminé à introduire une demande en nullité ;
    5. une liste de témoins qui pourront confirmer les propos tenus ;
    6. l'adresse actuelle de l’ex-conjoint ;
    7. le formulaire de demande de déclaration en nullité du mariage, dont voici un modèle :


    Nom et prénom : ……………………….
    Adresse : ………………….
    Téléphone : ………………
    Lieu,……………………… le …………
    Monsieur 'Official,
    Je soussigné(e) ……. né(e) le à ………. ai l'honneur de solliciter l'ouverture d'une instance dans la ville de ……. tendant à obtenir que soit déclaré nul le mariage religieux contracté par moi le ……….. en l'Église de diocèse de ……… avec M(elle) ………… né(e) le …………..de religion …………… actuellement domicilié(e): ……………... , que j’ai prévenu (e) de ma démarche.
    La vie commune après le mariage a duré ……. Il y a eu …… enfant(s).
    À mon avis ce mariage est nul à la base pour les raisons suivantes : ………………. La cause directe de l'échec de notre mariage est la suivante : ……………………… Le divorce a été prononcé le …….. à …………………. Ma situation matrimoniale actuelle est la suivante : ……………………………….. J'indique l'adresse des personnes qui ont connu notre foyer et qui pourraient apporter leur témoignage : …………………………………………………………………….. Veuillez agréer, Monsieur l'Official, l'expression de mes sentiments respectueux. Signature : ……………............................

    En ce qui concerne la détermination du Tribunal ecclésiastique compétent pour analyser la demande en nullité d'un mariage religieux, plusieurs possibilités sont rencontrées.

    La requête pourra être adressée :
    1. soit au tribunal du diocèse dans lequel le mariage a été célébré,
    2. soit au tribunal du diocèse dans lequel est domicilié l’autre conjoint,
    3. soit au tribunal du diocèse dans lequel le plus grand nombre de preuves pourra être recueilli.


    L'évêque qui reçoit un dossier de demande de déclaration de nullité de mariage constitue un tribunal dont il fait généralement partie.
    Selon les canons 1425 et 1426, les causes matrimoniales seront jugées par un tribunal collégial composé de trois juges. Après admission de la requête et détermination du ou des chefs de nullité retenus (« le doute »), la cause peut être instruite.
    L'instruction commence par la déposition des époux, chaque conjoint étant entendu séparément. Le Code de droit canonique de 1983 a formellement consacré « le droit de la défense » comme un des droits fondamentaux du fidèle. Si l'autre conjoint ne veut pas participer au procès, alors personne ne peut le contraindre, la procédure continuant sans lui.
    Ensuite, le juge instructeur procède à l'audition des témoins désignés par chacune des parties ou convoqués sur sa propre décision. Il recueille également les documents utiles à l'examen de la cause. Il peut aussi faire appel aux services d'un expert : médecin psychiatre, psychologue, graphologue, etc.

    Au terme de cette instruction et après avoir pris connaissance des actes de la cause, l'avocat de la partie demanderesse (ou les deux avocats si chaque époux en a un) présente par écrit sa plaidoirie.
    Dans les procès matrimoniaux intervient le « défenseur du lien », dont le rôle est de défendre - avec réalisme - le lien du mariage (un peu comme le procureur d'un tribunal civil). Après avoir pris lui aussi connaissance du dossier et reçu la plaidoirie de l'avocat, le défenseur du lien rédige à son tour ses remarques.
    A la fin, le collège des trois juges ecclésiastiques, nommé par l'Official, se réunit, étudie le dossier complet de la cause et tranche. Une sentence est rédigée par l'un d'entre eux.
    Si la nullité du mariage est reconnue, cette décision doit être confirmée par une Officialité de deuxième instance, par exemple par l'Officialité interdiocésaine.
    Il faut deux décisions positives pour que la déclaration soit définitive. Une notification est envoyée aux paroisses de baptême et de mariage des ex-conjoints pour la modification des inscriptions dans les registres.


    Si la décision du premier tribunal ecclésiastique est négative, la partie demanderesse peut faire appel dans les quinze jours. Si la décision de l'Officialité de deuxième instance infirme la première décision, la partie demanderesse peut en appeler à une troisième instance, à savoir, au Tribunal de la Rote romaine. Cette procédure est caractérisée par la confidentialité, dans le souci du respect de la vie privée des personnes, de la paix des familles et de la liberté de parole des différents témoins. Seuls les juges, le défenseur du lien, les avocats et procureurs des parties ont accès aux pièces du dossier.


    En ce qui concerne la durée, d'après le canon 1453 du Code de droit canonique et dans la mesure du possible : “les juges et les tribunaux veilleront à ce que, la justice étant sauve, toutes les affaires soient terminées le plus tôt possible ; en première instance, elles ne seront pas prolongées au-delà d’une année (à partir de l'envoi de la requête à l'officialité), et en deuxième instance, au-delà de six mois ».


    Le 29 janvier 2006, le pape Benoît XVI, en s'adressant aux juges de la rote romaine, a demandé que les causes en déclaration de nullité de mariage aboutissent « dans des délais raisonnables ». Dans certains évêchés, la consultation des avocats ecclésiastiques est gratuite. Ce service de l'Église fonctionne grâce aux contributions de la communauté chrétienne et grâce aux contributions des demandeurs (montant forfaitaire qui peut varier de 300 à 450 EUR).

    • Les effets d'une déclaration en nullité

    La sentence déclarant la nullité du mariage ne devient effective qu'après avoir été confirmée par le tribunal de deuxième instance et lorsque ce tribunal a notifié le résultat aux intéressés c’est-à-dire aux parties en cause et au curé de leur paroisse. La déclaration en nullité n'a aucun effet civil, le lien civil étant rompu par le divorce, mais permet aux époux de régulariser leur situation matrimoniale dans la communauté chrétienne catholique. Le document n'a pas d'effet juridique sur les enfants, leur nom ou leur garde.

    Concernant le sort des enfants, qui sont les grandes victimes du divorce et du remariage de leurs parents, le Code de 1983, dans les canons 1071, 1077, 1684, 1685 et 1689, nous donne des directives pour améliorer leur sort. Lors d’un divorce, la souffrance des enfants et celle du conjoint absent, ou celle du parent seul avec les enfants ne doivent pas être niées. Après une déclaration de nullité, le droit canon rappelle aux parents les obligations morales et civiles envers leurs enfants (canon 1689).

    L'obtention d'une déclaration de nullité ouvre, en principe, la voie à un remariage religieux et permet ainsi aux personnes concernées de participer de plein droit à la communion eucharistique.
    Deux exceptions peuvent cependant se présenter. Tout d'abord, il peut exister un empêchement canonique pour ce mariage. Ensuite, il arrive que le tribunal émette un avis contraire à la célébration d'un nouveau mariage catholique, avis figurant sur la notification de la sentence. Dans ce dernier cas, l'un ou l'autre des conjoints, ou les deux conjoints, n'ont pas le droit de contracter un nouveau mariage à l'Église, tant que les problèmes personnels ayant causé la nullité du premier mariage ne sont pas résolus.

    Dans une déclaration de nullité, en plus de la décision sur le mariage, le tribunal ecclésiastique peut donc aussi se prononcer sur la capacité des époux à s'engager dans un nouveau mariage.
    Le tribunal peut donner soit un vetitum judiciaire soit un vetitum ou monitum administratif. Lynda Robitaille s'interroge : « Le vetitum est-il la conséquence d’une invalidité et donc imposé pour éviter une autre union invalide ? Ou le vetitum et le monitum sont-ils des outils pastoraux pour préparer un nouveau mariage ?».

    Le vetitum judiciaire interdit aux parties de se remarier. Son usage doit impérativement prendre en compte l'histoire passée de la partie concernée et ne doit pas être purement formel. Le vetitum peut être levé dès qu'il est prouvé que l'obstacle a disparu. Admettons que, malgré le vetitum, ou malgré l’interdiction du remariage dans le droit canon catholique, un prêtre catholique accepte de remarier deux personnes divorcées. Nous sommes dans un cas particulier devant lequel le pouvoir sacerdotal du prêtre sur la validité des sacrements qu’il célèbre ne peut pas être ignoré. De toute évidence, un tel remariage est valide, car « au prêtre revient de décider en dernier ressort de l'admission à un sacrement ». Il convient aussi de noter quelle est la position du magistère de l'Église lorsque, juridiquement, la nullité du mariage ne peut être prouvée.

    À ce sujet, le Synode des évêques de 1980, réuni pour analyser les devoirs de la famille chrétienne dans les temps actuels, déclare, par les mots de Joseph Ratzinger :
    « Le Synode fait entrer dans une catégorie spéciale ceux qui sont arrivés à la conviction fondée en conscience que leur premier mariage est nul, même lorsque fait défaut la preuve juridique : dans de tels cas, conformément à un jugement fondé en conscience, et pourvu que le scandale soit évité, l'admission à la communion peut être autorisée ». D'après ce texte, la communion eucharistique peut être acceptée sur la base de la conscience de la nullité du mariage. Cependant, la conscience de nullité ne suffit pas pour qu'une Officialité déclare un mariage nul. Il faut absolument avoir un fondement juridique présent dans les normes du droit canon pour pouvoir obtenir la nullité d'un mariage.


    Michel Legrain affirme : « Avouons-le loyalement : l'énorme développement que connaît le recours à la déclaration de nullité des mariages entre baptisés doit le plus gros de son succès à l'absence de toute autre solution catholique romaine qui admettrait, à la suite de l'échec irréversible d'un couple marié sacramentellement, la possibilité d'une autre vie matrimoniale officiellement digne de ce nom. Et comme tout est bouché en aval, le canoniste remonte vers l'amont, contrairement aux autres législations qui ne focalisent guère sur le passé, mais sur des solutions viables pour le présent et le futur ».